Remarques d’un « ami du spluc » présent à la réunion:
– Dans ce compte-rendu, toutes les interventions ont à peu près le même « poids », courtes ou longues (ex : celle qui pose la question du financement privé et celle qui signale les problèmes de stabilité que posera le chantier). Ce déséquilibre ne rend pas justice aux personnes qui se sont donné la peine d’apporter des objections élaborées. Un vrai travail. Eux aussi sont les bénévoles d’une cause respectable, mais qui réclame des efforts. Preuve qu’elle n’est pas une obstruction immature ou malveillante!
– La forme « question-réponse » de ce compte-rendu donne à croire qu’il y avait d’un côté les organisateurs qui informent et de l’autre l’assemblée qui reçoit l’information et pose des questions. L’intention des organisateurs était, comme ils l’ont dit d’emblée, de présenter l’assemblée comme un simple lieu d’échange. Or il n’aura échappé à personne que cette réunion fut un moment de polémique où l’opposition au projet de désaffectation du spluc, qui a réussi à obtenir sa tenue rappelons-le (les organisateurs l’ont admis en cours de route), s’est manifestée avec assez de netteté pour qu’on ne néglige pas son existence dans un compte-rendu.
On ne perçoit pas du tout le clivage qui s’est manifesté clairement à travers les applaudissements, clivage qu’il était cependant capital de souligner puisque l’un des deux « camps » regroupe les pouvoirs publics (une grande partie du Collège était présent), l’évêché (ses délégués, parmi lesquels il faut compter le modérateur, il faut insister la-dessus, puisqu’il s’agit bien d’un « homme de l’évêché »), le doyen et la Fabrique et une partie du public qui adhère à ce projet pour des raisons qu’il resterait à établir (nous tenterons d’en mettre en lumière au moins une (1)).
Ce camp à pour lui tous les avantages puisqu’on trouve, en son sein tous ceux qui possèdent les moyens d’action privilégiés et de décision (y compris la décision finale!). Le « combat » est bien inégal… Et on lui laisserait encore l’atout de l’information intégrale? Nous y avons tous droit!
On nous dit que la décision provoquera de la tristesse. Gageons qu’elle suscitera d’abord beaucoup de reproches.
De quel échange parle-t-on quand le Doyen présente un projet pastoral auquel la communauté dont il est le pasteur n’a pas été invitée à prendre part? Ne pense-t-il pas que celle-ci devrait pouvoir en débattre avec lui? Qu’il s’agisse de les conduire sur de frais pâturages ou à l’abattoir, n’auraient-elles pas leur mot à dire? A quand une réunion entière et distincte sur les questions pastorales qu’entraînent le projet? N’est-ce pas aux seuls membres de cette communauté d’en discuter entre eux, sans se trouver sous des regard extérieurs?
La même réflexion vaut pour les questions qui concernent uniquement le voisinage (démolition/travaux, etc).
Je pose ici la question du bien-fondé de la méthodologie adoptée par l’évêché qui consiste à mettre tous les problèmes dans le même sac.
– Les interventions de l’opposition ont été lissées pour en évacuer la charge polémique. A leur question : « Quand le Vicariat allait-il venir vers les riverains? », on répond : « C’est l’intervention auprès de Mgr Hudsyn qui a permis la réunion », sans préciser qu’il s’agit de l’intervention de l’opposition! Une chose est sûre, sans cette opposition, vous ne sauriez rien de ce qui se joue autour du spluc.
– Nous remarquons encore des omissions injustifiables : par exemple la question de la partialité du modérateur est présentée comme exclue dès le début du débat alors qu’elle s’est posée clairement, plus tard dans le débat, quand il a pris la défense du projet. Un arbitre se disqualifie en favorisant une équipe.
-Nous observons enfin que certaine questions capitales n’ont reçu aucune réponse. Par exemple : « L’évêque nous donnera-t-il un lieu où nos idées (celles de l’opposition) pourront s’exprimer, être débattues, prises en compte? »
Quand recevront-elles une réponse? Il y a urgence! Ce doit être AVANT la décision finale! Faute de quoi cette décision serait une injure.
(1) Voici l’intervention pour laquelle le compte-rendu s’est montré le plus généreux (il lui consacre plus de quatre lignes, la moyenne étant de une à deux lignes).
Elle est la plus idéologique qui se soit exprimée ce soir-là et elle émane d’une personne qui a la réputation d’être un ami intime de l’évêque. Elle a provoqué un certain remous dans l’assemblée, mais n’a suscité aucune réaction de la part des organisateurs. Je lui apporte une ébauche de réponse parce qu’il me semble qu’elle est un nœud autour duquel les débats pastoraux aussi bien que temporels devraient se nouer :
« Beaucoup de monde aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas tous les dimanches à Saint-Sépulcre. Ce qui se passe maintenant est douloureux. La mission de l’Église est-elle de conserver un musée ou d’évangéliser ? L’Église est riche de son patrimoine : allons-nous le laisser nous écraser ? Allons-nous mettre des barrières autour de l’église avec un panneau « chutes de pierres » : est-ce cela l’image de l’Église? »
Voici mon ébauche de réponse à la question « La mission de l’Église est-elle de conserver un musée ou d’évangéliser ? »
La mission de l’Eglise est certes l’évangélisation, mais ce serait un peu court de la limiter à ce seul aspect de son activité multiforme.
La mission de l’Eglise, c’est aussi le rassemblement des fidèles dans des lieux où cette évangélisation prend corps et montre le fruit qu’elle a produit.
Ces lieux privilégiés, nous les connaissons bien, ce sont nos églises et certaines d’entre elles sont millénaires.
« Eglise » du latin « ecclesia » qui signifie « rassemblement ».
Nos églises sont de formidables témoignages de l’action évangélisatrice et du dynamisme (du grec « dunamis » qui désigne, dans le Nouveau-Testament, l’Esprit-Saint sans qui il n’y a pas d’évangélisation) de nos ancêtres, sans qui nous ne serions pas là.
Désigner nos églises par le mot « musée », c’est en réduire volontairement la définition. Mais j’accepte volontiers de dire qu’elles sont aussi des musées et que ce titre leur vaut le respect des amoureux du patrimoine, l’affection des amateurs d’art et qu’il engage la responsabilité des pouvoirs publics à leur égard.
Les églises sont les espaces indispensables de la célébration de notre vivre-ensemble comme les enfants d’un même Père que nous chérissons de façon visible, aux yeux de tous -et ceci n’est pas la moindre facette de l’action évangélisatrice de l’Eglise- à travers le culte que nous lui rendons dans l’eucharistie.
C’est aussi le lieu de célébration des différents sacrements qui ponctuent les grands événements de la vie: baptêmes, communions, mariages, ordinations, enterrements et de fêtes et prières diverses.
Musée, mais aussi salle de concert ou s’expriment habituellement ou plus exceptionnellement quantités de musiciens et chanteurs. Salle de récitals pour des poètes, des acteurs, etc
Vous dites encore : « L’Église est riche de son patrimoine : allons-nous le laisser nous écraser ? »
Je vous réponds : « Le patrimoine ne nous écrase pas, bien au contraire il nous allège! Imaginez que nous devions créer sans cesse, à neuf, les moyens de l’évangélisation, de la catéchèse et du culte! ll nous faudrait sans cesse innover, produire des efforts hors de notre portée, de nos moyens humains. C’est une utopie dévastatrice que vous proposez là!
Nous bénéficions heureusement de l’apport considérable de nos prédécesseurs dans la foi et vous voudriez pratiquer la tabula rasa de tout ce patrimoine? C’est une attitude proprement révolutionnaire. Au nom de qui voulez-vous faire cette révolution? »
« Allons-nous mettre des barrières autour de l’église avec un panneau « chutes de pierres » : est-ce cela l’image de l’Église ? »
Ici, je vous répondrai simplement : « Maçons, retroussez vos manches et mettez-vous à l’ouvrage… »
Avec toute mon admiration pour le courage des défenseurs du spluc,
Raymond-Pierre Malemprée